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Le contexte sanitaire des EHPAD dans les Côtes-d’Armor

Le département des Côtes-d’Armor compte 90 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) selon l’ARS Bretagne en 2023, soit près de 7 600 places disponibles (ARS Bretagne). Face à une population de plus de 105 000 personnes âgées de plus de 65 ans dans le département (Insee, 2020), le défi du suivi médical régulier prend une dimension singulière. Contrairement à l’image du “médecin de l’EHPAD”, le secteur repose en grande partie sur l’intervention de médecins généralistes libéraux extérieurs.

Cette organisation, héritée de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, privilégie l’ancrage avec la médecine de ville. Dans les Côtes-d’Armor, où beaucoup d’EHPAD sont situés en zone rurale ou semi-rurale, la collaboration avec les médecins libéraux est donc indispensable, mais impose plusieurs ajustements pour garantir des soins continus et de bonne qualité.

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Comment s’organise l’intervention des médecins libéraux dans les EHPAD costarmoricains ?

Liberté de choix du médecin traitant

D’après la réglementation nationale, chaque résident en EHPAD conserve le droit de choisir son médecin traitant. En pratique, une majorité des résidents restent suivis par leur généraliste de proximité, parfois depuis des années. Selon un rapport du Conseil départemental des Côtes-d’Armor (2021), dans plus de 85 % des EHPAD locaux, les visites médicales sont assurées pour moitié ou plus par des professionnels libéraux extérieurs.

  • Organisation de permanences hebdomadaires sur place dans 60 % des établissements (source : Fédération hospitalière de France, 2022)
  • Communications fréquentes entre équipes soignantes de l’EHPAD et cabinets médicaux (téléphone, messagerie sécurisée, transmission d’ordonnances)
  • Interventions en urgence coordonnées via les conventions avec les services hospitaliers de proximité (notamment les hôpitaux de Lannion, Saint-Brieuc et Guingamp)

Coordination des soins : le rôle du médecin coordonnateur

Chaque EHPAD doit, depuis 2015, disposer d’un médecin coordonnateur salarié (Décret n° 2011-1047 du 2 septembre 2011, renforcé par la loi ASV). Ce praticien ne se substitue pas au médecin traitant mais veille à :

  • Rédiger et actualiser le projet général de soins
  • Organiser la permanence des soins et les plans de prévention
  • Faciliter la communication entre tous les professionnels intervenant auprès du résident
  • Former l’équipe soignante sur des sujets tels que la gestion de la douleur, les traitements médicamenteux et la prévention de la dénutrition

Dans les Côtes-d’Armor, 93 % des EHPAD disposent d’un médecin coordonnateur à temps partiel (source : ARS BZH), assurant l’interface avec le tissu libéral et le secteur hospitalier.

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Quels actes médicaux assurent les médecins libéraux auprès des résidents ?

Suivi chronique et prévention

  • Bilan régulier de l’état de santé (au minimum bi-annuel, selon recommandations HAS)
  • Gestion des maladies chroniques : diabète, insuffisance cardiaque, BPCO, troubles neurocognitifs
  • Renouvellements et adaptations des traitements

Prise en charge de la polypathologie

Le résident en EHPAD présente en moyenne 6,3 pathologies chroniques (Santé Publique France, 2022). Dans les EHPAD des Côtes-d’Armor, les généralistes libéraux assurent :

  • Le suivi des troubles cognitifs (Alzheimer ou apparentés), en lien avec la plateforme locale d’accompagnement et de répit
  • La gestion des soins palliatifs et de la fin de vie, souvent en coordination avec les réseaux locaux HAD (Hospitalisation à Domicile) comme Armor HAD
  • La vaccination saisonnière (antigrippale, COVID-19, pneumocoque)

L’intervention en situation aiguë

  • Gestion des épisodes infectieux (infections respiratoires, urinaires), avec un recours limité aux hospitalisations d’urgence (ATLASANTÉ : 26 % des résidents bretons transférés au moins une fois/an aux urgences)
  • Suture de plaies, soins après chute, ajustement de traitement antidouleur
  • Prise en charge des épisodes de confusion aigüe (syndromes confusionnels fréquents chez les personnes très âgées)
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Des dispositifs spécifiques au territoire costarmoricain

La télémédecine au service des EHPAD

Le département expérimente activement la télémédecine depuis 2018, grâce à un partenariat entre l’ARS et les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS). En 2022, 38 % des EHPAD des Côtes-d’Armor étaient équipés de dispositifs de téléconsultation (ARS Bretagne). Cela permet :

  • Des consultations spécialisées à distance (gériatrie, psychiatrie, dermatologie)
  • Une prise de décision rapide sans attendre le déplacement d’un spécialiste, notamment pour des avis sur une escarre, une lésion cutanée ou une modification comportementale
  • Une réduction des évacuations sanitaires et du stress des résidents

Les équipes mobiles gériatriques hospitalières

Les centres hospitaliers de Saint-Brieuc, Lannion et Guingamp disposent d’équipes mobiles qui interviennent sur appel dans les EHPAD pour évaluer des situations complexes (bilan gériatrique, ajustement de protocoles de soins, soutien à la décision éthique).

  • En 2022, 174 interventions de ce type ont eu lieu dans les EHPAD des Côtes-d’Armor (CH Yves Le Foll, St-Brieuc)
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Limites et défis à relever

Pénurie de médecins et démographie médicale fragile

Comme ailleurs en Bretagne, le département souffre d’une démographie médicale vieillissante : 54 % des généralistes ont plus de 55 ans (Insee, 2023). Plus de 18 communes du secteur Goëlo-Trégor sont considérées comme zones “d’action prioritaire” pour l’accès aux soins (ARS, 2023). Cette tension se traduit par :

  • Des retards de passage pour les visites non urgentes (plusieurs jours parfois en saison estivale)
  • Une charge administrative croissante pour les EHPAD (gestion des plannings, transmissions, coordination accrue)

Difficultés liées à la continuité des soins et hospitalisations évitables

  • Dans plus de 12 % des cas d’hospitalisations, le départ aurait pu être évité par une meilleure coordination ville-hôpital (ATLASANTÉ 2022)
  • Absence de généraliste référent attitré dans 8 % des situations (notamment en raison de départs à la retraite non remplacés)

Besoin de revalorisation et d’attractivité

La participation des médecins libéraux au suivi en EHPAD est parfois freinée par la faible valorisation financière des visites en établissements et le manque de reconnaissance du temps consacré à la coordination des soins. Plusieurs expérimentations pilotes (forfaits de coordination) sont en cours depuis 2022 afin d’améliorer cette attractivité, mais leurs effets sont encore à mesurer.

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Vers une évolution du modèle ?

Pour faire face à la pression démographique, des solutions émergent. Les MSP (Maisons de Santé Pluriprofessionnelles) sont de plus en plus impliquées dans l’organisation du suivi médical en EHPAD : 37 structures sont actives en 2023 dans le département (source : CPTS Ouest-Côtes-d’Armor). L'introduction d’infirmiers de pratique avancée (IPA) en EHPAD, expérimentée à Saint-Brieuc et Dinan, renforce aussi la capacité de surveillance des résidents et le déclenchement précoce des alertes pour les médecins.

  • Pilotages départementaux en cours pour généraliser l’utilisation du Dossier Médical Partagé (DMP) et fluidifier la récupération des informations entre soignants
  • Incitation à l’exercice mixte ville-EHPAD, via des contrats ou vacations, proposés aux jeunes médecins
  • Appui des “médecins correspondants EHPAD” lors de refus de prise en charge pour des urgences de second recours
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À retenir : une collaboration essentielle mais perfectible

Dans les EHPAD des Côtes-d’Armor, le suivi médical quotidien repose de façon centrale sur l’implication des médecins libéraux. Malgré une organisation éprouvée et l’introduction de solutions innovantes telles que la télémédecine, le territoire subit les mêmes pressions que l’ensemble du pays en matière de démographie médicale et de vieillissement de la population. Un enjeu-clé pour les années à venir : sécuriser la présence médicale de proximité dans les établissements et valoriser le rôle pivot joué par les médecins généralistes auprès des aînés les plus fragiles du département.

Pour aller plus loin, consulter : - Télémédecine en EHPAD - ARS Bretagne - Santé Publique France - Indicateurs EHPAD - ATLASANTÉ Bretagne 2022 - Fédération hospitalière de France “Baromètre EHPAD 2022”